Sélectionner une page

Interview de Bruno Dupont : le jeu de société en animation et formation socioculturelles

par | 24 Nov 2021

jeu de société animation socioculturelle

Bruno Dupont est Docteur en Langues et Lettres à la Haute École de la Ville de Liège. Dans le cadre de ses recherches, il poursuit une étude exploratoire des pratiques du jeu de société en animation et formation socioculturelles. Ce projet d’étude est lauréat du programme pour l’éducation et la jeunesse de l’appel à projet du Game in lab, soutenu par la Fondation Libellud. Dans un entretien qui nous éclaire sur la dynamique du jeu dans le secteur socio-culturel, Bruno Dupont nous livre l’origine et la portée de son étude.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Bruno Dupont, je suis Docteur en Langues et Lettres et travaille dans le domaine des sciences du jeu depuis ma thèse de doctorat. Je travaille tout autant sur les jeux vidéo (à la Katholieke Universiteit Leuven) que sur les jeux de société (à la Haute École de la Ville de Liège). Parallèlement, je suis également formateur en éducation non formelle et permanente. Mes recherches concernent d’une part les dispositifs médiatiques hybrides et d’autre part les rapports entre jeu et éducation, principalement non formelle.

Depuis mars 2020, notre Haute École a lancé une collaboration avec des collègues de la Haute École Bruxelles-Brabant, Jean-Emmanuel Barbier et Virginie Tacq, sur l’utilisation du jeu de société en animation et formation socioculturelles. Par la suite, Alexis Messina a rejoint l’équipe côté Haute École de la Ville de Liège.

Votre travail de recherche repose sur une étude exploratoire des pratiques du jeu de société en animation et formation socioculturelles. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

Il s’agit d’aller interroger les acteurs et actrices de terrain dans la formation et l’animation (mouvements et organismes de jeunesse, associations à but social, centres de formation socioculturelle, centres d’art et de créativité qui travaillent avec divers publics, etc.) au sein de la partie francophone de la Belgique. Nous souhaitons apprendre comment ils et elles utilisent (ou non) le jeu de société dans leurs pratiques : dans quels buts, de quelle manière, avec quels publics, et moyennant quelles facilités et difficultés. Pratiquement, nous établissons des listes de professionnels et bénévoles de l’animation et/ou de la formation en visant un échantillon varié, puis contactons les personnes en vue d’un entretien semi-directif.

Quels sont les objectifs de cette recherche ?

Nous voulons tout d’abord établir une cartographie des pratiques de jeu de société dans le domaine de l’animation et de la formation socioculturelles, car ce domaine est encore très méconnu de la recherche. Que font précisément les animateurs et animatrices avec le jeu de société ? Quels jeux sont-ils utilisés ? Quel est le lien avec les buts poursuivis par les organismes pour lesquels ils et elles travaillent ? Quels sont les besoins comblés et restant à combler dans cette utilisation ?

Ensuite, nous voulons synthétiser ces pratiques, qui à première vue semblent très variées, éparses et liées à des contextes et des parcours précis. Le but est de pouvoir revenir vers le terrain avec ces éléments synthétisés : nous travaillons donc avec le secteur concerné, pour le secteur concerné. Dans cette optique, la création finale de notre projet, qui peut évoluer en fonction des interviews que nous sommes en train de mener, est prévue sous la forme d’une valise d’animation-formation contenant des jeux, des informations pédagogiques sur leurs utilisations possibles, du matériel pour les modifier, et peut-être d’autres outils issus de ce que nous auront transmis nos participantes et participants.

Bien entendu, dans l’après-étude, se posera la question de l’extension possible des résultats obtenus : sachant qu’il existe de nombreux ponts entre éducation non formelle et enseignement, ainsi que vers la formation et l’action sociale au sens large, il sera intéressant de voir en quoi les pratiques que nous mettrons au jour sont ou non transposables dans d’autres contextes…

Le jeu de société est-il une pratique répandue dans l’animation et la formation socioculturelle ?

L’idée de cette recherche est née d’une impression « de terrain » que mes collègues et moi-même avons partagée : étant tous et toutes actifs dans différentes parties du secteur socioculturel parallèlement à notre travail scientifique, nous avions le sentiment que le jeu de société y était beaucoup utilisé, et que cette utilisation allait de pair avec des questionnements spécifiques et des adaptations liées aux contextes. Cette impression semble se vérifier dans nos premiers entretiens, mais nous devons encore interroger plus de personnes et procéder à l’analyse des données pour voir si cette intuition se vérifie.

Quelle est l’origine de cette étude ? Pourquoi porter une attention particulière au jeu de société ?

Récemment, plusieurs chercheurs et chercheuses se sont intéressés à l’usage du jeu dans le domaine de l’animation, supposant (avec raison, je pense) que la dimension ludique était centrale dans ce secteur. Cependant, ces recherches concernent surtout le jeu dit « traditionnel » (les jeux de camps de vacances, de cour de récréation, qui font partie d’une sorte de mémoire intemporelle) ou le jeu vidéo, assez peu le jeu de société, qui est souvent mentionné comme important (par exemple chez Baptiste Besse-Patin) mais pas étudié en détail. Nous avons donc voulu lui consacrer l’attention qu’il nous semble mériter.

Où en sont vos travaux aujourd’hui ? Auprès de qui réalisez-vous vos recherches ?

Nous avons commencé à interviewer les professionnels et professionnelles, mais aussi les bénévoles, issus des régions de Liège, du Brabant Wallon et de Bruxelles. Parallèlement, nous retranscrivons leurs interviews pour pouvoir les analyser par la suite. Grâce au subside Game in Lab / Fondation Libellud, nous pourrons dès mi-novembre commencer à interroger des personnes actives dans les autres parties de la Belgique, vers Namur et la Province du Luxembourg (autour d’Arlon).

Combien de temps dure un projet de recherche de ce type ? À quel moment votre étude devrait aboutir ?

Le projet « Faire société » dans sa totalité doit durer un an, soit jusqu’en mars 2022. La partie « Namur-Luxembourg », concernée par le soutien du Game in Lab et de la Fondation Libellud, s’étendra normalement de novembre à janvier.

Vous êtes lauréat de l’appel à projet de Game in lab en partenariat avec la Fondation Libellud. En quoi ce soutien va-t-il aider vos travaux ?

Ce soutien est crucial car il nous permet d’ajouter les deux provinces qui manquaient à notre échantillon pour aboutir à un quadrillage complet de la Belgique francophone. Cela augmente la représentativité de notre étude, car la Communauté Française de Belgique forme un tout institutionnellement parlant dans le domaine de la culture et de la jeunesse, des compétences dont dépend l’animation socioculturelle. Nous pouvons ainsi interroger toutes les personnes qui partagent un cadre légal (décrétal) donné et voir de quelle manière elles se positionnent par rapport à celui-ci. La variation géographique, mais aussi philosophique (l’orientation politico-citoyenne des organismes étudiés) ainsi que socio-démographique (notamment les différences entre régions très et peu urbanisées) peut dès lors être étudiée dans toute son ampleur.

Tout à fait pratiquement, le subside obtenu nous permettra d’engager un ou une collègue responsable de la partie Namur-Luxembourg et de lui partager notre méthodologie, tout en couvrant les frais logistiques liés à l’extension du périmètre de recherche. Last but not least, le réseau Game in Lab, déjà très actif, nous permet de faire connaître notre projet auprès des scientifiques et du personnel de terrain, et nous met en contact avec des partenaires et soutiens extérieurs.

S'abonner à nos infos

Recevez nos actualités et des invitations à nos temps forts

Share This