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Le rôle du mécénat dans le contexte de crise

par | 27 Fév 2021

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Depuis sa création en 1979, l’association Admical s’engage aux côtés des entreprises pour impulser la dynamique nécessaire au développement du mécénat en France. Selon le baromètre Admical publié fin 2020, les entreprises mécènes se sont largement mobilisées auprès des structures qui en avaient besoin. Marie-Victoire ABBOU, déléguée générale d’Admical, nous éclaire sur les contours et le rôle du mécénat dans ce contexte de crise.

Dans une étude intitulée Covid 19 : Premiers impacts sur l’engagement des mécènes réalisée entre avril et juin 2020, Admical soulignait une mobilisation sans précédent de toute la société. Comment les mécènes ont réagi face à cette crise ?

En effet, nous avons perçu une forte mobilisation, comparable à l’engagement que l’on a pu connaitre en temps de crise humanitaire ou environnementale.

Malgré leurs propres difficultés, les entreprises se sont largement mobilisées auprès du monde associatif et hospitalier. 86 % des entreprises que nous avons interrogées via l’étude (majoritairement les grandes entreprises qui sont adhérentes à notre réseau) ont réalisé des actions de mécénat spécifiques au COVID. De la grande entreprise faisant des dons de plusieurs millions d’euros, à la PME se mobilisant auprès des acteurs de son territoire, de nombreux exemples témoignaient d’un engagement inédit. Pour la majorité des entreprises interrogées les budgets alloués aux actions d’intérêt général sont restés stables (63%). On note cependant que 31% d’entre elles ont décidé d’augmenter leur enveloppe pour répondre à l’urgence.

Quels soutiens ont-ils apporté ? Pour quels besoins ?

Durant cette crise, les entreprises ont eu recours au mécénat sous toutes ses formes (58% des interrogées ont utilisé au moins 2 formes de mécénat). Les dons financiers ont évidemment afflué, mais on constate également une montée en puissance du mécénat en nature (masques, gels hydroalcooliques, denrées alimentaires…) et de l’engagement des collaborateurs via du bénévolat ou du mécénat de compétences.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, c’est l’aide d’urgence aux populations vulnérables (et non le soutien aux établissements de santé) qui arrive en première place des secteurs les plus soutenus, avec 67% des mécènes engagés. Viennent ensuite le soutien scolaire et la lutte contre le décrochage scolaire (47%) suivi de l’aide aux hôpitaux et autres établissements de santé (40%). Ainsi, les entreprises ont agi de façon très complémentaire aux actions de l’Etat. La recherche médicale, secteur traditionnellement peu soutenu par les mécènes, a vu sa côte de popularité remonter en flèche : un tiers des entreprises interrogées ont fait des dons pour ce secteur.

Au-delà du mécénat, qui a été un formidable levier pour lutter contre la pandémie et accompagner les plus vulnérables, les entreprises ont démontré leur capacité à se mobiliser dans des délais très courts, en utilisant tous les moyens à leur disposition. 87% des entreprises sondées ont déclaré s’être engagées via d’autres moyens que le mécénat. Ainsi, la mobilisation des ressources de l’entreprise (47%), le renforcement de la communication sur les besoins des associations (42%) et la mobilisation du réseau (40%) sont des actions essentielles, difficilement valorisables, mais qui ont grandement contribué à répondre à l’urgence. Parallèlement, de nombreux efforts financiers ont été réalisés : 33% des entreprises sondées ont renoncé aux aides publiques, 25% ont pris en charge le chômage partiel, 22% d’entre elles ont diminué la rémunération de leurs dirigeants.

Quelques mois seulement après le début de cette crise, est-ce que les mécènes accompagnent l’évolution de ces besoins ?

Tout à fait, les mécènes s’adaptent pour répondre au mieux à l’évolution des besoins des acteurs de terrain. On constate d’ailleurs que 41% des mécènes sont en réflexion afin de faire évoluer leur politique de mécénat.

Au début de la crise, les mécènes sont d’abord allés sur les besoins les plus urgents dans le secteur de la santé et du social, puis ils ont ensuite orienté leurs fonds vers le soutien scolaire ou le soutien aux acteurs culturels.

Une autre tendance intéressante se dégage :  les mécènes sont désormais plus enclins à soutenir les besoins structurels des acteurs associatifs (salaires, investissements, frais de structures) pour les aider globalement à poursuivre leur mission, alors qu’ils préféraient traditionnellement flécher leurs dons vers des projets précis.

Face à l’urgence de certaines situations, que ce soit dans le secteur alimentaire, social ou industriel, on s’est souvent tourné vers le “local” pour trouver des solutions. Observe-t-on un engagement particulier des mécènes en faveur des besoins et des solutions de proximité ?

Oui, la dimension locale est un facteur essentiel du don ! Notre dernier baromètre nous montre que 80% des mécènes agissent à l’échelle locale, contre seulement 32% qui soutiennent des projets nationaux et 11% des projets internationaux.

Le mécénat est un levier important d’ancrage local pour l’entreprise. C’est une façon pour le mécène de découvrir de nouveaux partenaires sur son territoire, de soutenir des initiatives qui lui tiennent à cœur et dont pourront bénéficier ses parties prenantes (clients, salariés…).

C’est donc une façon très concrète d’avoir un impact positif sur son territoire.

Durant la crise du Covid, les entreprises qui avaient les moyens d’agir se sont tournées naturellement vers les associations de leur territoire pour essayer de les soutenir. En un sens, cette crise a pu servir de « déclencheur d’engagement » pour des entreprises qui souhaitaient depuis longtemps s’investir sur leur territoire mais qui ne savaient pas toujours comment s’y prendre. L’enjeu est de savoir si cet engagement spontané va pouvoir perdurer malgré la crise économique qui touche de nombreuses entreprises.

Dans les territoires de nombreux exemples de collaboration et de partenariats entre entreprises ont vu le jour. Les démarches collectives et l’organisation entre mécènes constituent-elles une tendance que vous relevez ?

C’est une tendance que l’on constatait déjà depuis plusieurs années, aussi bien au niveau national que territorial. Le collectif Mecene&Loire, par exemple, fait partie des pionniers en région. Il rassemble depuis 15 ans une vingtaine de PME qui mutualisent leurs budgets mécénat pour soutenir des projets innovants dans leur département qu’elles choisissent de façon collégiale.

Depuis la crise du Covid, cette tendance au collectif s’accentue encore plus. Face à l’urgence les entreprises ont eu tendance à s’unir. C’est un signal très positif. Pour mutualiser leurs ressources et gagner en efficacité, de nombreuses entreprises se sont fédérées autour de collectifs déjà existants ou créés au début de la crise. Passant outre les enjeux de concurrence et les rivalités habituelles, elles ont joué la carte de la coopération entre acteurs privés, tout en s’appuyant sur les associations, les ONG et les institutions publiques.

Si les mécènes ont répondu à l’urgence, comment voyez-vous la suite ? Peut-on déjà établir de nouvelles tendances durables dans leurs politiques d’engagement ?

À l’occasion de notre dernier baromètre en octobre 2020, nous avons réalisé une enquête téléphonique avec l’IFOP auprès de plus de 1400 entreprises. Cela nous a permis d’avoir des premières tendances sur l’engagement des mécènes en 2021. 60% des entreprises mécènes nous ont répondu que la crise aurait un impact sur leur politique de mécénat et 87 % estiment que l’engagement sociétal des entreprises risque d’être ralenti par la crise économique.

Pour autant, les perspectives sont plutôt encourageantes car 72% des mécènes interrogés nous ont répondu qu’ils pensaient maintenir leurs budgets mécénat, 10% pensent même l’augmenter !

Pour le reste, il est encore trop tôt pour établir des tendances durables. Si les grandes entreprises continueront certainement de jouer leur rôle de locomotive du secteur, notre conviction est que l’avenir du mécénat se trouve principalement dans les régions, auprès de plus petites entreprises et qu’il sera de plus en plus collectif.

Marie-Victoire ABBOU, déléguée générale d’Admical

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